LEADERS' LAB - Opus 1 : Pourquoi les transformations peinent-elles à se faire et/ou à réussir ?

  • vendredi, 27 / 1 / 2023
  • Claire Couroyer

Le 20 décembre 2022, notre Leaders’ Lab a réuni 5 dirigeants et cadres dirigeants, de secteurs et tailles d’entreprise différents, avec des expériences variées et des profils complémentaires.

Chacun-e a pu apporter son éclairage, dans un premier temps sur l’époque que nous traversons et le contexte global qui est le nôtre. Ensuite, sur le sujet plus spécifique de la transformation et son articulation dans l’entreprise.

Nous avons le plaisir de vous partager la richesse de leurs échanges dans cet 1er article.

 

 

1. Prise de hauteur
Décryptage du contexte macroéconomique

Sur la réindustrialisation

Nous redécouvrons en France ce qu’est la notion de souveraineté depuis 2 ans, c’est-à-dire le caractère d’un Etat qui n’est soumis à aucun autre et qui lui confère sa liberté et sa marge de manœuvre. Et en ce qui concerne la France, sa souveraineté est diminuée, avec par exemple les épisodes du Covid, les potentielles pénuries d’énergie et l’accès raréfié et inquiétant à certains médicaments. Et la rareté des ressources est structurelle et non conjoncturelle. Nous investissons de l’argent dans la réindustrialisation du pays, mais ce qui manque encore c’est l’attrait desdites industries.

Le changement de vocabulaire révèle ce paradoxe : on est passé du mot Ouvrier qui crée une oeuvre à celui d’Opérateur qui exécute une opération. Cela traduit une forme de déshumanisation du travail, le rêve de certains industriels serait d’automatiser et mécaniser les actions humaines.

L’industrie a besoin d’un changement d’image et de culture, l’époque où travailler à l’usine était synonyme de punition ou d’échec est révolue ; les mécanismes de motivation doivent se réinventer. La transformation à laquelle ce secteur doit répondre est ainsi : comment donner envie aux gens de venir travailler à l’usine ? Comment la rendre « sexy » ?

Sur le développement de l’Afrique

Il existe un potentiel immense de développement des infrastructures en Afrique. Le continent est en pleine croissance démographique, et en phase d’ouverture. Le décalage entre les Européens, installés dans leur confort et révoltés à la moindre atteinte à celui-ci, et les Africains habitués aux délestages quotidiens, révèle un mouvement opposé entre les deux continents, un désalignement. Plusieurs freins étiolent la transformation de l’Afrique : la dépendance à un monde ancré dans la globalisation, la difficulté à trouver des financements et l’efficacité limitée de leur utilisation ; la problématique des approvisionnements impacte également le développement de l’Afrique. Comment débloquer ces verrous, et réussir la transformation de ces potentiels en réalité ?

Sur la géopolitique

Le contexte géopolitique actuel limite les opportunités de travailler avec certains clients et fournisseurs (Brexit, guerre russo-ukrainienne, etc). Certains financements ne peuvent plus être activés, même s’il est possible de sécuriser partiellement l’inflation à travers des effets de contractualisation bien négociés.
Le faible leadership politique manque de nous indiquer la direction à suivre, tandis que la raréfaction des ressources mises au regard de notre volonté insatiable de possession, induit des craquements ténus mais répétés. Quant à l’Europe qui se replie sur elle-même, les grands flux logistiques ne passent plus par elle, elle a raté la possibilité d’être une puissance incontournable et une puissance d’équilibre mondiale.

Sur le climat social

Nous faisons face à de nombreuses contradictions pour lesquelles nous sommes peu outillés pour les affronter. La tension sociale est palpable, les gens ont tendance à se polariser plus facilement vers les extrêmes. L’autre est devenu une menace, tout comme l’extérieur. Nous ne sommes pas prêts à faire face collectivement à la complexité.

Des problématiques telles que le wokisme ou l’abortion des droits à l’avortement aux États-Unis mobilisent une forte quantité d’énergie entropique, qui pourrait être employée à l’urgente thématique environnementale.

Nous vivons une période de ruptures au pluriel, sans savoir quel visage aura le monde qui est en cours de construction, et au cours duquel existe un certain pessimisme ambiant, notamment par la démission d’une certaine proportion des quinquagénaires qui sont dans un mode d’interaction minimale. La manière de se préserver psychologiquement est de continuer à construire, de se focaliser sur ce qui a du sens pour soi et pour sa famille.

Sur le lien humain

La solidarité dépérit dans les grandes villes. Il existe un mouvement parmi les citadins de vivre en autonomie, de rechercher un environnement plus serein dans lequel on se sent en sécurité, retrouver de la proximité et de la bienveillance avec ses voisins ; et cela s’avère plus accessible en zone rurale qu’en zone urbaine.
On se questionne sur ce qu’on a vraiment envie de faire, on redécouvre le temps et le plaisir de faire. On se met en retrait de systèmes dans lesquels on se sacrifiait auparavant.

Dans ce contexte complexe et incertain, les enjeux de demain sont et seront humains : comment vivre ensemble ? Comment travailler ensemble ? Comment donner du sens, motiver, engager ses équipes en dépit du contexte ? Comment attirer les jeunes ? Comment retenir les talents ?

 

2. Pour vous, qu’est-ce que la transformation ?

 

“ On se fixe un point à atteindre sans savoir comment l’atteindre. ”


La transformation, c’est une dynamique, ce n’est pas un chemin rationnel. C’est une continuité, il n’y a pas de début ni de fin. On ne sait jamais par où on va passer. La transformation, c’est savoir s’adapter aux obstacles et prendre les courants porteurs, réussir à capter les énergies au fur et à mesure. La transformation, c’est être capable de changer un système que l’on a construit.

Transformer une organisation systémique, c’est comme faire du surf : il faut savoir prendre les vagues, tirer profit de l’énergie. Il faut apprendre à transformer l’énergie en évolution. Il faut aussi prendre le temps d’observer le contexte, détecter les conditions pour déclencher les vagues.

Tenir une Organisation demande beaucoup d’énergie, car le délitement de l’intérieur peut être très rapide. Il faut atteindre une masse critique pour qu’elle puisse se déclencher. On est bien souvent dans le brouillard, on ne sait pas où on est, c’est difficile d’expliquer. C’est quand le brouillard se lève qu’on découvre un nouveau paysage. En d’autres termes, quand on engage une transformation, il faut accepter de ne pas tout maîtriser. Et pour générer la transformation, il faut créer un sentiment d’urgence ; utiliser l’énergie émotionnelle.

La transformation, c’est aussi le REnouveau, la renaissance en tant qu’Organisation. C’est se réinventer, par exemple par l’innovation et la technologie. C’est savoir faire face à la complexité dans un monde où tout change très vite, s’adapter. La transformation est une perpétualité.

“ Si on essaie de maîtriser une transformation, on la plante.”

La transformation questionne notre rapport au temps. On fonctionne à présent dans un rolling forecast permanent, on ne fait plus de prévision long-terme, quitte à parfois se demander s’il y a bien une vision. Et en même, la transformation nous invite à prendre du temps pour nous, même si ce n’est pas toujours évident ; à prendre de la hauteur. On revient beaucoup à l’humain.

Il y a plusieurs échelles temporelles à concilier : celle de l’entreprise à échéance lointaine, celle des collaborateurs qui s’inscrit dans un temps court. Pour guider la transformation, il faut réussir à traduire ces différentes échelles.

Une entreprise est un équilibre fragile, qui nécessite une grande énergie pour tenir le tout ensemble. Les transformations supposent parfois des choix radicaux : qu’est-ce que je conserve ? Qu’est-ce qu’on sauvegarde, qu’est-ce qui est solide ? Et à l’inverse, qu’est-ce que je dois retirer ?

Le lâcher-prise est essentiel au cours de la transformation, il faut accepter de ne pas tout maîtriser.

Il peut y avoir un côté douloureux dans la transformation : personne n’a envie d’y aller, cela suppose de renoncer à ce qu’on est, changer de mode de fonctionnement ou sa position. Métaphore du tipi…

Ce qui peut conduire à l’échec d’une transformation :

  • partir de ce qui ne fonctionne pas car c’est très démotivant,
  • les intérêts personnels,
  • la mise en danger par la remise en question d’un état de confort,
  • les jeux politiques qui font que rien ne change,
  • la collusion de tous ceux qui ne veulent pas que les choses bougent.

 

Les facteurs de réussite :

  • l’authenticité du leadership et du management,
  • la capacité de savoir se mettre en risque,
  • l’aptitude à activer son réservoir émotionnel pour parler vrai, car on touche plus juste quand on interroge avec sincérité pour faire bouger et embarquer les gens,
  • s’ancrer sur les émotions positives qui sont durables,
  • accepter d’abandonner un bout de son confort.

Il faut savoir où on veut aller, mais ne pas chercher comment.

 

3. Leadership et transformation

Les leaders d’aujourd’hui doivent apprendre à gérer la complexité. Le principe, c’est de ne pas savoir. On a beau tout conceptualiser, établir une vision, un plan triennal, cela ne se passe jamais comme on l’avait prévu. Cela suppose d’accepter de se remettre en question en permanence.

Le leader, c’est celui ou celle qui a la capacité de susciter et mobiliser les énergies pour faire bouger les choses. Il/elle n’a pas seulement la vision, il/elle doit savoir créer l’énergie et la mobiliser, d’où l’importance de savoir bien s’entourer et d’oser se poser la question si on a les bonnes personnes au sein d’un Codir/Comex.

Un bon leadership permet d’embarquer les équipes, garder le cap, et savoir communiquer la direction sur le terrain.

Toute transformation nécessite un bon leader qui sait donner confiance et envie, arrive à convaincre les troupes d’abandonner un bout de confort pour aller vers un état inconnu, dont le potentiel serait meilleur.

Quand on construit une vision d’entreprise, on se rend compte qu’on vise plus juste quand on implique les collaborateurs.

La vision ne peut pas simplement être portée par une personne ou quelques dirigeants. Le leader doit avoir la capacité de transférer sa vision à ses équipes, qu’elles puissent ensuite la porter. C’est ce qui permet de créer une vision partagée et engagée, clé de motivation qui influe sur le recrutement.

La transformation a besoin de leadership à plusieurs niveaux pour :
- expliquer un contexte qui est mouvant et peut être anxiogène,
- incarner une référence, des modèles dans lesquels on peut avoir confiance,
- installer une dynamique de partage, dans laquelle chacun contribue au mouvement.

Le leader représente l’engagement, conduit à la motivation des équipes, et est capable d’accéder à ses émotions comme à celles des autres. Il a à la fois la qualité d’écoute, et celle du doute, car il faut savoir douter, signe d’humilité, pour pouvoir conduire une transformation.

La résilience et la capacité de rebond sont aussi essentielles pour compléter un tempérament positif, optimiste, tout en étant lucide quant aux limites écologiques.

Diriger, ce n’est pas décider tout seul : c’est amener l’Organisation à prendre les meilleures décisions ; faire accoucher. En lien avec les logiques de management horizontal.

Limites de la culture française

En France, nous avons tendance à nous focaliser sur ce qui ne marche pas : c’est un risque pour mener à bien une transformation. Il vaut mieux renforcer ce qui marche déjà, et rendre obsolète ce qui ne fonctionne pas. De plus, on a souvent peur de se tromper ; on doit apprendre à prendre des décisions, apprendre à se tromper et gérer l’échec. C'est indispensable pour pouvoir avancer.

 

4. Ouverture

 

 

Questions d’ouverture

Puisque tenter de maîtriser la transformation, c’est la planter, quels sont les axes à développer en tant que leader pour mieux prendre la vague ?

Comment réussir à sortir les gens de leur zone de confort, en conciliant bienveillance et exigence ?

Comment faire une transformation sans avoir les bons talents ?

Comment accepter de déconstruire un système ?

Comment accorder processus et innovation dans l’entreprise ?

 

Conclusion du 1er chapitre


Notre équipe de dirigeants et cadres-dirigeants a conclu ce 1er opus en exprimant sincèrement pour certains, la passion pour les comportements humains, et pour tous, l’envie de continuer.

Ils étaient très contents de se connaître et se sont sentis plus riches en sortant, car ce Leaders’ Lab coche les cases du partage et de l’intelligence collective en toute authenticité.

Rendez-vous est donc pris pour le 2ème et dernier opus fin février.

 

Organisation et Facilitation  par Claire COUROYER et Pauline ROUGÉ

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