VIS MA VIE DE COACH - ÉPISODE 3/5 : "A la recherche d'un ailleurs et de mon identité de Coach"

  • dimanche, 16 / 2 / 2020
  • Claire Couroyer

A LA RECHERCHE D'UN AILLEURS ET DE MON IDENTITÉ DE COACH - Episode 3/5

J'ai choisi l'image de ce van dans ces grands paysages, parce que c'est ce que représente le coaching pour moi : un voyage, une exploration permanente, une aventure humaine, l'inconnu, des rencontres marquantes qui nous enrichissent et nous rendent chaque jour plus conscient sur le Monde et sur notre place dans ce Monde. C'est en cheminant ainsi que l'on devient progressivement capable d'aider l'autre à trouver également sa juste place dans ce Monde aussi vaste que petit.

 Au cas où vous auriez raté les 2 épisodes précédents, les voici :

https://www.trans-humans.com/journal/item/97-vis-ma-vie-de-coach-episode-1-le-declencheur.html

https://www.trans-humans.com/journal/item/98-vis-ma-vie-de-coach-episode-2.html

J'avais démissionné du Cabinet où j'étais précédemment pour devenir Consultante indépendante et Coach professionnelle en portage salarial chez ITG. Dès lors, je travaillais principalement en sous-traitance avec un gros Cabinet qui, à l'époque, donnait toute sa place à l'Humain et respectait la relation avec ses partenaires, les impliquait en amont des projets, n'avait pas peur de les emmener chez le client pour que cela fasse sens pour tous.

Pour ne pas être définitivement étiquetée "Experte Banque-Finance", je leur avais demandé de me proposer des missions dans tous les secteurs d'activités sauf dans la banque. Et ce fut le cas. Cela a été d'une richesse incroyable pour moi ; du secteur des services à celui de l'industrie lourde, en passant par la grande distribution ou le secteur de la santé, je crois avoir été un peu partout. C'était formidable.

A l'époque, mon temps se répartissait à :
- 50% sur l'activité Formation (les principales thématiques tournaient autour du Management, que ce soit pour débutants, managers d'équipe, managers de managers ; et des sujets récurrents qui étaient les leurs : gestion de projets, des priorités, des réunions ; entretiens d'évaluation, etc).
- 25 % sur des missions de conseil en conduite du changement/facilitation.
- 25 % sur des missions de coaching.
Cette répartition a évolué dans le temps.

C'est indispensable d'être régulièrement supervisé.e

C'était important pour moi d'avoir cette diversité d'activités, déjà parce le besoin de variété fait partie de ma personnalité. Ensuite parce que chaque activité nourrissait les autres ; enfin parce que physiquement et psychiquement, elles n'engagent pas les mêmes énergies ; avoir une forme d'équilibre sur les trois créait une régulation intérieure très naturelle.

Quand j'ai commencé à coacher des managers, je me suis aperçue au bout d'un moment que j'éprouvais toujours un sentiment de satisfaction mitigée, le sentiment que j'aurais pu faire mieux, sans véritablement savoir ce qui a manqué.

Ma curiosité et le besoin d'aller plus loin, m'ont poussée à trouver un superviseur, des formations, des groupes de pratiques, etc.

C'est indispensable d'être régulièrement supervisé ; du moins au début, à raison d'une journée / demi-journée / séance par mois. L'expérience et les années faisant, on sollicite plus ponctuellement son superviseur, et on sait à quel moment on en a besoin. Et à tous ceux qui se demandent pourquoi le coaching coûte cher, c'est aussi parce que nous n'arrêtons pas de nous former tout au long de notre vie.

Une heure de supervision individuelle nous coûte le même tarif que celui nous facturons à notre client. Et je trouve cela très intéressant parce que l'on se retrouve dans la peau du client qui se dit "il faut que j'ai un retour sur investissement". Mon langage financier ;-))

Cela nous permet également de comprendre que le tarif horaire d'un coaching traduit beaucoup de choses : la séance de travail à proprement dite, mais aussi sa préparation, le coût de la qualité (cf supervision/formation), les temps masqués entre deux sessions de travail (SMS du client, "petit" appel, mail de questionnement, etc). Et plus le client a de lourdes responsabilités, plus ce temps masqué peut être important ; ce qui explique aussi la différence de tarification entre un manager et un dirigeant.

Au début quand on est Coach, et parce que nous n'avons pas beaucoup de clients, il vaut mieux privilégier les cycles de supervision collective. Ils ont plusieurs avantages : côtoyer d'autres confrères et se benchmarker par rapport à eux, se nourrir de leurs expériences, apprendre collectivement ; la supervision collective est aussi plus abordable financièrement que la supervision individuelle. C'est un peu la différence qu'il y a entre la robe que vous achetée chez un créateur et qui est faite sur-mesure, et celle que vous trouverez en prêt-à-porter et qui tombera bien sur vous si vous avez de la chance.

Et aucun métier n'échappe à l'égo ou à la difficulté de garder les pieds sur terre...

La 1ère année, je me suis inscrite au cycle de supervision conduit par Olivier Devillard (9 ou 10 séances dans l'année). Tant qu'à faire, autant aller chercher un des meilleurs. OD est un grand homme du coaching : co-fondateur de la SF Coach, fondateur de l'IFOD école de coaching, auteur de plusieurs ouvrages sur le coaching dont celui qui m'a beaucoup servi "la dynamique des équipes". Toujours chez lui, je me suis également formée à un outil puissant "Teamscan" que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de mettre en oeuvre au sein de l'équipe de mon ami Ulrich André, à l'époque où il était Directeur de projets stratégiques chez Les Mousquetaires Intermarché. Un outil à ne pas mettre entre toutes les mains...

La limite de la supervision collective est la confidentialité. En effet, quand vous êtes à plusieurs à évoquer vos expériences, poser vos questions, même si le principe de base veut que le nom de la société et du client ne soit jamais prononcé, vous ne savez pas qui connait qui dans le groupe. Et à un moment donné, protéger les données confidentielles du contexte que vous vivez avec votre client, ne vous permet plus de travailler plus en profondeur sur votre sujet. Quand vous arrivez à ce stade, c'est qu'il est temps de basculer vers de la supervision individuelle, plus coûteuse, mais plus efficace.

J'ai ensuite perfectionné mon apprentissage et d'autres formations chez Alain Cardon, fondateur de Metasysteme Coaching, maître coach certifié chez ICF, coach systémique et consultant international ; lui aussi auteur d'ouvrages sur le coaching. Il met d'ailleurs à disposition, de nombreux matériaux en libre service sur son site.

Il est sain de changer de superviseur. D'une part parce que cela évite la routine ; d'autre part, parce que nous évoluons, et qu'à un moment donné, notre superviseur ne répond plus forcément à ce dont nous avons besoin.

Et aucun métier n'échappe à l'égo ou à la difficulté de garder les pieds sur terre...

J'avance donc dans mon chemin et prends des missions de plus en plus importantes ; le sentiment d'insatisfaction s'estompe progressivement sans complètement disparaître. J'ai des clients de plus en plus complexes, jusqu'au jour où je tombe sur un os. Un bon gros os.

Ayant le souci de protéger mon client, je ne m'étalerai pas sur les détails. Je dirais seulement qu'il s'agissait d'un contexte très tendu et très lourd, le patron du Codir d'un gros site industriel que je devais accompagner. Il y avait un respect mutuel, une confiance dans la relation, sauf que cela s'appelait un "coaching prescrit" : c'est-à-dire que la décision de se faire coacher ne venait pas de lui, mais de sa direction générale qui estimait qu'il devait faire évoluer ses comportements.

A ce moment là, j'avais un superviseur formidable, peut-être le meilleur à ce jour : Paul Guinaudeau, ingénieur diplômé de Polytechnique et de Télécom Paris, cadre dirigeant pendant 30 ans dans la conduite de grands projets à dimension internationale et multiculturelle, maître praticien certifié et enseignant auprès de coachs et de managers.

Le grand point en lui et moi : la connaissance réelle, opérationnelle et stratégique des Organisations. Et cette capacité à ne pas traiter l'individu "hors sol", mais à le relier à son environnement, à ses enjeux, à ne pas faire du coaching une démarche supplémentaire, mais à l'intégrer dans son quotidien professionnel, dans sa mission et son rôle.

J'ai énormément appris avec lui et je l'en remercie infiniment

Quel soulagement de trouver enfin ce qui me manquait et que je n'arrivais pas à expliquer dans ce "coaching centré sur la personne" que je trouvais bien mais insuffisant, incomplet.

Et quel bonheur cet homme !

Nos séances de supervision individuelle étaient hyper exigeantes. Avant chacune d'elles, il m'obligeait à réfléchir au sujet que je voulais évoquer et à lui envoyer le thème par écrit pour que lui-même ait le temps de le préparer.

Et quand nous nous rencontrions, il ne me laissait pas digresser et s'assurait que je reste centrée sur l'objet qui m'avait amenée, car le compteur (mon argent) tournait. Après chaque séance de supervision, il m'envoyait toujours une synthèse écrite, qui faisait effet miroir et avait pour objectif de m'aider à poursuivre et/ou à approfondir mon questionnement, et donc à m'améliorer.

J'ai énormément appris avec lui et je l'en remercie infiniment. C'est grâce et avec lui, que j'ai commencé à construire mon identité de Coach.

Revenons maintenant à mon "très gros os", le patron du Codir du site industriel.

Avec l'expérience qui s'accumulait, j'ai compris au bout de la 2ème séance qu'il chercherait à travestir ce coaching et qu'il n'était pas prêt à travailler sur ses comportements, même s'il avait conscience que ceux-ci impactaient fortement son Codir et donc l'Organisation toute entière. Il n'avait pas caché aux membres de son Codir qu'il démarrait un accompagnement et il était prévu que j'assiste au Codir suivant, juste en observation pour mieux comprendre comment cela se passait, tout en sachant que le seul fait de ma présence biaiserait quelque peu le déroulé. Mais chassez le naturel, il revient au galop...

Je rentrais d'une animation de formation un soir, et étais au volant de ma voiture bien bloquée dans les bouchons parisiens quand mon téléphone a sonné : c'était lui qui m'appelait.

Après les politesses d'entrée, j'ai senti le ton monter jusqu'à ce qu'il se mette à me crier dessus. Il vociférait de colère... et de douleur aussi. Waouh !
J'ai vite cherché à me garer quelque part, à l'arrache, mais il fallait que je m'arrête car je ne pouvais plus être concentrée sur la circulation et sur notre échange qui m'obligeait au calme.

J'étais la seule auprès de laquelle il pouvait exprimer son impuissance, alors c'est moi qui ai pris la déflagration. C'est aussi ça la vie de Coach : être suffisamment solide pour accueillir ce qui émane de votre client (provoqué par le coaching), et avoir suffisamment de discernement et de recul pour comprendre que ce n'est pas nous qu'il vise, mais lui-même, parce que nous l'avons touché là où ça fait mal, là où il n'est pas dans la puissance. Cela s'appelle la prise de conscience. C'est super, mais il faut aller plus loin pour transformer l'essai.

Comment interrompre un coaching sans mettre mon client en danger et sans me mettre en difficulté vis-à-vis de cette Organisation ?

Une fois qu'une personne a pris conscience, elle est en responsabilité vis-à-vis d'elle-même pour la suite : accepter ce qui est ; sans volonté de le faire évoluer. Accepter ce qui est ; et décider de faire autrement à partir de ce jour.

Cela demande du courage et je tire mon chapeau à toutes celles et tous ceux que j'ai accompagnés et qui se sont trouvés face à ce choix cornélien.

Après cet épisode émotionnel, mon client s'est excusé et m'a dit que cela ne se reproduirait pas. Hélas...

J'ai encore essayé à la 3ème séance, puis à la 4ème séance, pour avoir la confirmation qu'il était dans le refus de faire ce travail, qui relevait sans doute d'une autre démarche que celle d'un coaching professionnel. Dès lors, il fallait que je mette un terme à ce coaching qui n'avait plus de raison d'être. J'en ai ouvertement parlé à mon client, mais il refusait que cela s'arrête, probablement plus par peur de sa direction générale.

La mise en place de son coaching avait été validée lors d'une réunion quadripartite : lui, le DG, la DRH groupe et moi, dans un climat on ne peut plus formel et néanmoins courtois.

Comment interrompre un coaching sans mettre mon client en danger et sans me mettre en difficulté vis-à-vis de cette Organisation ?
C'était une situation très délicate, une de celles qui peut vous faire transpirer dans votre vie de Coach.

Allô Paul ? j'ai un problème.
Nous avons donc calé une séance de supervision pour traiter spécifiquement l'arrêt de ce coaching, en tâchant de limiter les conséquences pour l'ensemble des parties prenantes.

Paul m'a d'abord confrontée sur les motifs qui m'amenaient à mettre un terme à ce coaching, pour voir si ce n'était pas une fuite de ma part. Cela n'en était pas une au vu des éléments que je lui ai fournis.

Il m'a donc remise dans ma posture de Coach, c'est-à-dire dans mon devoir de protection et de préservation de la confidentialité des échanges avec mon client. Et pour cela, il a rappelé l'une des conditions qui fait partie du cadre de tout coaching : accepter la confrontation (constructive et bienveillante). A partir du moment où un client refuse d'être confronté, cela neutralise le coaching, et c'était le cas pour mon client. De plus, la DG devait lui apporter son soutien sur une décision stratégique qui conditionnait aussi la réussite partielle du coaching, et celle-ci tardait à le faire.

Quelle belle leçon d'humilité et de technicité

Je devais donc évoquer ces deux points critiques (dont le 1er plus que le 2ème) en démontrant que sans eux, le coaching ne faisait pas sens. En clair, je mettais respectivement mon client et sa direction générale face à leurs responsabilités d'agir pour que le coaching soit maintenu, ou d'accepter que je l'interrompe pour des raisons indépendantes à ma volonté et à ma compétence.

Chaud patate...

Paul m'a aidée à préparer ce rdv quadripartite que j'allais devoir convoquer avec le motif "clôture de coaching" après la 4ème séance sur les 10 prévues. Je n'ai presque pas dormi la veille et étais tendue parce que mon client a cherché à me joindre à plusieurs reprises.

Le rdv s'est très bien passé. Mon client a vu que je n'avais rien révélé de nos échanges, ce qui était un énorme soulagement pour lui. Il a vu que je ne l'attaquais pas, mais que je posais des conditions structurelles que lui et sa direction n'étaient pas capables de tenir. Nous avons donc clôturé ce coaching et je suis sortie de là la tête haute. Merci Paul !

Quelle belle leçon d'humilité et de technicité, quelle belle leçon tout court. Je crois que cette expérience m'a fait monter en compétence de façon exponentielle.

EPILOGUE

Je compare souvent, et avec humour, la confrontation en coaching à une contraction avant accouchement ; c'est facile à comprendre pour les femmes qui ont eu des enfants et l'on comprend aisément pourquoi on parle de maïeutique (l'art d'accoucher les esprits). Pour vous Messieurs, c'est plus compliqué à comprendre. Alors je dirais, avec beaucoup d'humour et de respect, que c'est comme quand vous avez trop bu et que vous devez évacuer le trop plein pour aller mieux. Voilà, on va dire que ça ressemble à ça.

Ce qui étonne souvent les clients quand on interrompt une mission, qu'elle soit de coaching (extrêmement rare), ou de conseil, c'est que nous acceptions de renoncer à nos honoraires. Et moi ce qui m'étonne encore et toujours, c'est qu'ils s'étonnent de cela ; ce qui prouve bien que nous n'étions pas sur la même fréquence hertzienne.

Les Coachs professionnels dignes de ce nom, ont une déontologie, une éthique ; ils composent avec la complexité, mais ne se soumettent jamais. Alors oui, je préfère perdre de l'argent que de perdre mon authenticité.

Ca y est, je commençais à ressentir une pleine satisfaction dans l'exercice de mon métier et c'est comme cela que je construisais mon identité de Coach.

Dans le prochain épisode (Episode 4 : "le client est roi, ou pas"), je vous parlerai de comment les formations avec Marshall Goldsmith ont affiné cette identité, en trouvant un équilibre avec l'approche latine et anglo-saxone, ce qui constitue l'un de mes éléments différenciants vis-à-vis de mes clients.

Claire Couroyer

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