« DE LA DISCUSSION, JAILLIT LA LUMIÈRE »

  • samedi, 11 / 1 / 2025
  • Claire Couroyer

Dans la tradition philosophique grecque, le dialogue <dia-logos> est une quête conjointe de vérité et non de victoire ; il représente ce qui nous distingue encore dans notre humanité par le langage et la raison qui passent au travers d’un échange, d’un côté à l’autre, d’un être à l’autre.

Il n’y a de dialogue que si les interlocuteurs renoncent à la violence et se soumettent à l’exigence de vérité. Or, dans un monde où la désinformation et la manipulation de la vérité commencent à régner en maître, comment lutter contre la propagation de cette lame de fond ?

Le refus de dialoguer avec l’autre, l’absence de confrontation constructive, le silence face à un sujet de désaccord ou de différences d’opinions/de positions, sont en train de devenir une triste norme de notre Société ultra connectée qui isole les êtres.

Le dialogue est aussi une pratique précieuse pour renverser les barrières virtuelles

Cette parole circulante qui passe à travers des visages qui se rencontrent, des communautés qui cherchent à partager leurs valeurs et traditions, est une pratique précieuse pour renverser la Novlangue : langue dans laquelle le sens des mots est détourné en vue de manipuler, de supprimer toutes les nuances d'une langue afin d’éliminer toute réflexion sur la complexité d'un problème, et par voie de conséquence, l’esprit critique si cher au développement du raisonnement humain.

Le dialogue est aussi une pratique précieuse pour renverser les barrières virtuelles de la communication globalisée, impersonnelle et aseptisée de notre temps.

Une des exigences du vrai dialogue, est qu’il n’aboutit pas toujours à une conclusion, mais permet tout au moins de viser une progression entre les parties prenantes.

S’inscrire dans un dialogue, nécessite d’actionner quelques principes de base qui se perdent aussi :

  • l’écoute, qui permet à chacun-e d’écouter la parole de l’autre, sans interruption ni jugement, sans précipitation pour y apporter une réponse.
  • le respect de l'opinion de l'autre, même en cas de désaccord ; en d’autres termes, partir du principe que la parole de l’autre est au moins aussi importante que la nôtre, même si on ne la partage pas. Il est plus utile dans un dialogue de chercher à comprendre la pensée de l’autre et les fondements qui l’ont construite, au lieu d’y opposer notre vérité qui n’appartient qu’à nous
  • l’ouverture d'esprit, qui permet à chacun-e d’avoir la possibilité de changer d'avis ou d'élargir sa perspective, par rapport à son point de départ.
  • l’émotion qui aide à se connecter à l’autre en profondeur.

Mais pourquoi le dialogue peut-il être vu comme complexe, voire impossible pour un certain nombre de personnes ?

le dialogue est souvent confondu avec des monologues, de la communication descendante

Parce que derrière son refus, se cachent l’évitement de la discussion, la peur de la confrontation, la crainte d’une incapacité à gérer raisonnablement tensions et conflits. Il se cache aussi derrière le refus de dialoguer, une perception de l’inutilité de l’exercice, surtout lorsque l’on se croit Sachant.

Mais ce refus de dialoguer cache aussi le manque de confiance en soi, qui fait douter une personne sur sa capacité à défendre ses opinions et à exprimer sa pensée. Cela cache aussi une vulnérabilité, des blessures émotionnelles, des traumatismes passés, notamment des expériences négatives de dialogues antérieurs qui créent la réticence à s'engager à nouveau dans un dialogue.

Et puis, il y a celles et ceux qui cherchent à tout contrôler, que ce soit une situation, une relation, en évitant toute forme de vulnérabilité.

Dans notre Société où tout va vite, où le temps se raccourcit, le dialogue est souvent confondu avec des monologues, de la communication descendante, qui ne sont que de faux dialogues, car porteurs d’une seule logique, et dégradant par voie de conséquence, le vrai dialogue dans lequel il y a une prise en compte réelle de l'écoute de l'autre.

Ce faux dialogue est déceptif et décevant, car il ne laisse pas la place à l'autre, et bon nombre de personnes s'inscrivent d'ailleurs dans ce faux dialogue de façon inconsciente, ou encore persuadés d'avoir raison. Dialoguer est très exigeant pour soi comme pour l'autre, car il ne s'agit pas d’une simple conversation portant sur la pluie et le beau temps. Il ne s'agit pas d'éviter ou de créer des malentendus frustrants et on ne peut s'inscrire dans un dialogue qu'en conscience.

le dialogue peut arriver au détour de la patience, de l’acceptation des silences

En fonction de notre développement psychologique, de notre niveau de conscience et de notre maturité personnelle (qui n’a rien à voir avec l’âge), le dialogue peut aussi être entravé par des valeurs et croyances tellement en désaccord, que cela rend le dialogue non viable, tant les expressions de chacun-e émettent sur des fréquences qui ne peuvent pas se rejoindre. Cela peut aboutir à une forme d’indifférence, tant les priorités sont différentes, mais aussi à de la violence.

Parfois, le dialogue peut arriver au détour de la patience, de l’acceptation des silences, mais c’est avant tout une question de volonté d’approcher une problématique ou une situation de manière plus empathique et constructive.

Il faut vouloir s’engager dans un échange ouvert et honnête, où chacun-e a l'opportunité de partager ses idées, ses sentiments et ses perspectives, sans préjuger de ce que sera la fin. C’est tellement beau !

Essayons de conserver cette pratique qui nous humanise, car c'est par le dialogue, et donc la confrontation d'idées, que peut naître la vérité, et faire taire l'absurdité de la violence.

Claire E-BÉBÉ (Couroyer)

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