Dans cette nouvelle plongée au cœur des métiers de Trans-Humans Nous vous emmenons cette fois-ci dans l’un de nos champs de compétences les plus complexes, car il concerne la capacité d’une organisation à évoluer et à appréhender le changement à venir comme une opportunité pour limiter les freins humains.
Il serait difficile de vous partager l’intégralité de certains éléments pour des raisons évidentes de confidentialité, et nous allons donc vous faire une synthèse de ce que nous vivons où avons vécu dans un contexte concernant un grand groupe dont la croissance externe s’est accélérée par différentes acquisitions. Ces nouvelles entités du groupe ont besoin de comprendre qu’elles ont rejoint un nouveau groupe avec de nouvelles règles, une nouvelle gouvernance, une évolution dans le champ des responsabilités et le déplacement du curseur dans le champ de la prise de décision.
se faire accompagner, peut être perçu comme un aveu de faiblesse
Dans le cas présent, nous avons été présentées par le directeur général de la structure principale, et avons d’abord vécu un faux départ dans la mesure où après nous être préparées à rejoindre les membres de l’ExCom (Executive Committee), notre présence a finalement dû être repoussée des mois plus, pour éviter une fronde contre notre accompagnement.
Il est important de réaliser que, selon la culture d’une entreprise et sa maturité à comprendre ce qu’est le change management, se faire accompagner, peut être perçu comme un aveu de faiblesse, surtout dans des environnements très virils et compétiteurs.
Et pour cela, rien ne vaut une position basse (humilité) et un questionnement neutre et bienveillant vis-à-vis de chacune des personnes qui sera présente au séminaire, qui ne nous a pas choisies, et qui nous découvrira le jour J.
Ces échanges individuels préalables permettent de briser la première couche de glace pour faire connaissance, se faire accepter, aider les personnes à sortir de la confusion dans la définition même qu’ils ont ou imaginent de ce que nous allons faire. Briser cette 1ère couche de glace permet le jour J, de mieux se focaliser sur ce qu’il y a à faire ensemble plutôt que de se demander qui nous sommes et ce que nous faisons là.
ai-je à gagner ou ai-je à perdre dans la situation future ?
Ces échanges individuels nous permettent également de comprendre où se situe chacun dans le système de pouvoir, dans la dynamique du changement futur, sachant que ce sont souvent les dirigeants, eux-mêmes ou les membres de l’équipe de direction sont les 1ers à opposer une forme de résistance passive ou active, selon la sincérité de ce qui les anime dans le changement.
On observe aussi que bon nombre de membres de l’équipe de direction, une question planante va occuper leur esprit et guider inconsciemment leurs actions : ai-je à gagner ou ai-je à perdre dans la situation future ?
Et vous vous doutez bien que derrière cette question, la réponse qui sera apportée, sera emprunte d’éléments irrationnels qui relèvent des croyances de chacun.
Nous passons donc beaucoup de temps à faire de la pédagogie sur la définition même de ce qu’est la transformation organisationnelle et culturelle, sur les comportements individuels nécessaires qui permettront de soutenir et d’atteindre un objectif commun : celui défini par la nouvelle stratégie de l’entreprise.
Parmi les difficultés rencontrées lors de cette mission, il y a eu :
- la faible maturité à saisir l’importance de bien accompagner ces changements pour limiter les résistances,
- le faible niveau d’engagement des positions stratégiques sur le terrain pour incarner et accompagner ce changement, ce qui réduisait l’impact de ce que nous pouvions faire.
L’Empowerment vise à impliquer dans une participation active, une réflexion critique de ce qui se joue
Nous avons alerté très tôt sur le fait que le WHY devait être plus clair et plus concret, en donnant des perspectives objectives sur le chemin à parcourir, de façon à ce que chacun puisse se projeter positivement.
Lors de nos interviews, nous avons pu mesurer la variabilité des positions et les différences de compréhension sur l’objectif commun.
Cette mission de plusieurs mois, a eu pour objectif d’aller également sur le terrain auprès des top-managers pour réduire les résistances au changement, gérer l’impact psychologique en comprenant les préoccupations et leurs craintes, développer leurs aptitudes à conduire les équipes vers ce changement, en respectant la culture de départ
Notre partie pris était de viser l’empowerment, qui est un véritable processus de développement de chacun des acteurs. L’Empowerment vise à impliquer dans une participation active, une réflexion critique de ce qui se joue, une prise de conscience et une compréhension de ce qui est à faire, en créant un climat de respect mutuel et de confiance.
Nous avons alors découvert des personnes assez résistantes au changement d’une part, et une absence de messages forts qui étaient attendus de la direction d’autre part, sans doute liée à la faible maturité évoquée précédemment.
Ce qui a quand même été formidable, c’est d’avoir réussi à accompagner 50 directrices et directeurs et de les former au Change Management, pour qu’ils comprennent l’importance déjà pour eux de ce que cela représentait, et qu’ils soient ensuite en mesure d’incarner ce changement vis-à-vis de leurs équipes. Et l’une des difficultés pour tout manager qui vit un changement, est de l’incarner et/ou de le porter, même s’il n’est pas complètement convaincu du bien-fondé de ce changement, ou même s’il n’y adhère pas
Après plusieurs observations, nous n’avons pas souhaité poursuivre cette mission, et avons préféré y mettre un terme, du fait d’une trop grande dichotomie entre la parole et les actes, entre les valeurs affichées et les pratiques observées.
Pour autant, ce fut une expérience très riche, très instructive, qui nous a confrontées à notre éthique : faire quelque chose où on a du mal à trouver du sens mais qui rapporte beaucoup d’argent, ou bien faire notre travail en posant une exigence pour le bien de l’Organisation et des personnes qui la composent, quitte à perdre le la mission et les honoraires qui vont avec. Nous avons choisi la deuxième option.
C’est aussi ça, la complexité de notre métier : accompagner ce que nous pouvons, et savoir poser les limites lorsque cela ne fait plus sens.
Et vous, qu’est-ce qui vous fait pour suivre ou arrêter un travail, une mission ?
Claire E-BÉBÉ (Couroyer) - Vanessa Bohé
TRANS-HUMANS ©