CHRONIQUES DE L'INTÉRIEUR...DE L'ENTREPRISE, Episode 3

  • samedi, 18 / 4 / 2020
  • Claire Couroyer

EPISODE 3 : "GORILLES DANS LA BRUME"

Dans ce 3ème épisode, grâce aux informations précieuses recueillies de nos "Reporters Terrain" et de ce que nous observons, nous parlerons des managers, de la charge mentale, des différences de comportements entre les entreprises, du niveau de conscience, de l'intelligence sociale et du savoir-être.

ils trouvent un équilibre entre exigence et flexibilité

Durant le confinement, 3 catégories de managers se dégagent clairement de cette situation inédite :

  • les micro-managers : ceux qui poursuivent leurs pratiques du contrôle, du "flicage", qui envoient 10 mails par jour à leurs collaborateurs et s'étonnent de ne pas avoir de réponse dans l'heure. Ceux-là auront beaucoup de mal à lâcher prise et à accepter la relation de confiance induite du mode de télétravail. ls sont potentiellement en hyper-stress.
  • les managers absents : ceux qui ne répondent plus à grand chose, gardent le silence et prennent de la distance avec leurs collaborateurs, n'assument plus les points hebdos ou réunions d'équipes voire les délèguent à d'autres, ne répondent pas aux questions qui leur sont posées.
  • les managers responsables et empathiques : ceux qui prennent des nouvelles de leurs troupes et le font authentiquement (parce que ça les intéresse vraiment), vérifient leur niveau de sécurité personnelle, ajustent la charge de travail ; ils trouvent un équilibre entre exigence et flexibilité, et réussissent à animer la dynamique d'équipe du mieux. Ils arrivent enfin à inciter la créativité au sein de leurs équipes.

La situation d'adaptabilité forcée, avec, selon les personnes, de vraies disparités dans les conditions de confinement, crée une charge mentale de plus en plus forte à laquelle les managers ont à tenir compte dès à présent. Et encore plus au moment du retour physique des salariés.

La charge mentale, outre la situation inédite que nous vivons, est provoquée par la tension générée par une gestion du travail digitalisée à 100% (pour les télétravailleurs), un vivre ensemble (avec le conjoint et les enfants) qu'il faut composer et dont il faut s'accommoder tous les jours, une charge et intensité de travail que certains managers n'ont pas encore ajusté en tenant compte des conditions de chacun. Les visioconférences à répétition sont plus fatigantes que les réunions physiques, car elles sollicitent d'autres compétences et un autre niveau d'attention. Les maladresses et l'humour déplacé à distance deviennent plus vite inacceptables qu'en face à face, où l'on peut éventuellement se rattraper par un geste.

la contraction résulte d'une résistance (trop) importante

Nous sommes à un moment pivot de notre cycle où il va être très important de poser des analyses réalistes, préconiser des approches correctrices durables dans de nombreux domaines pour réduire nos impacts, et innover dans nos approches futures, y compris économiques et financières.

Nous observons trois catégories d'Organisations :

  • celles qui restent agiles, appréhendent cette crise comme une opportunité et comprennent que c'est vraiment le bon moment pour innover, développer la créativité et l'inventivité. Elles engagent des actions pour préserver le moral et la cohésion des troupes ; arrivent ainsi à mobiliser leurs collaborateurs dans des dynamiques de réflexion et d'actions collectives qui font sens,
  • celles qui mettent tout en stand-by "en attendant la reprise" et ont du mal à mesurer que cette attente laisse des traces et peut porter préjudice à une remobilisation trop tardive,
  • celles qui se contractent et qui sont tétanisées soit par la peur de ne pas survivre, soit par une absence de vision et capacité de projection.

Pour les entreprises qui se contractent, je fais un parallèle avec le sport : la contraction résulte d'une résistance (trop) importante provoquant ainsi une souffrance musculaire. Cette résistance est souvent celle du dirigeant qui refuse d'accepter la réalité de son environnement ou de s'y adapter, ce qui est une forme de déni de la réalité et d'une représentation biaisée de son Monde.
Pour soigner cette contraction, des exercices de kinésithérapie avec mise en étirement progressif du muscle permettent de ramener le muscle à un état "normal" petit à petit ; en d'autres termes, cela signifie accepter de travailler avec un tiers pour défaire les noeuds qui se sont formés et permettre au dirigeant de mieux appréhender et accepter ce qui est, pour gagner en capacité de pensée et d'action. Et ça, c'est une autre paire de manche.

capacité à agir et à interagir de façon pertinente avec l'autre

Il y a aussi un début de conscience, mais encore très limité sur le fait que les collaborateurs qui ont quitté l'entreprise hier pour se confiner, seront très différents de ceux qui la réintégreront demain. Et ça, les managers peinent encore à s'en rendre compte. Pourtant ils pourraient dès à présent s'en soucier. S'ils ne le font pas, ils ne pourront véritablement mesurer cet écart qu'au moment où cette réintégration se fera de façon progressive, en mobilisant leur intelligence émotionnelle, talent précieux par les temps qui courent.

Comme cette expression fait peur, je parlerais d'intelligence sociale (ou intelligence interpersonnelle). C'est-à-dire la capacité à agir et à interagir de façon pertinente avec l'autre, à percevoir ce qui va et ce qui ne va pas, à comprendre les émotions de l'autre et à savoir les analyser selon les contextes, dans le but d'apporter la réponse la plus appropriée.

Cela aura des effets positifs chez un collaborateur, au sein des équipes, au sein des Organisations et notamment dans l'amélioration de :

  • la gestion des conflits interpersonnels, du stress et la prévention des risques psycho-sociaux,
  • les relations humaines qui vont être clés pour le redémarrage des Organisations,
  • la motivation et l'engagement des équipes,
  • la communication pour qu'elle ne soit pas posée au mauvais moment, avec des mots inappropriés.

Exemple récent : nous avons tous constaté les réactions face à la prise de parole maladroite du président du Medef, qui a d'ailleurs fini par s'excuser. Ce fait est à considérer fortement, car toutes les Organisations devraient intégrer que toute communication est dorénavant une communication de crise, jusqu'à ce que nous sortions de l'ornière.

Bien sûr, réussir à faire cela induit d'avoir une juste représentation de soi et du Monde (conscience de soi)

Mon prochain article sera consacré à l'intelligence émotionnelle comme moteur managérial.

L'exemplarité managériale sera une autre clé pour embarquer les collaborateurs et encore plus pour leur demander de faire des efforts supplémentaires si cela devait être le cas. Les écarts comportementaux seront difficilement acceptés et pourraient générer des levers de boucliers dans certaines entreprises si l'on n'y accorde pas plus d'attention.

En cela, la crise que nous vivons va peut-être aider à se recentrer sur l'importance de la relation, et la nécessité impérieuse de SAVOIR-ÊTRE.

Rdv la semaine prochaine pour notre 4ème épisode.

Claire Couroyer

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